Patrick Couture et les dinosaures du Québec

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Imaginer, ici, des montagnes aussi hautes que l’Everest. Envisager de croiser un anchisaure juste là. Ça dépasse l’entendement, si? Et pourtant, c’est ce que Patrick Couture a découvert en faisant de nombreuses recherches pour son livre La préhistoire du Québec, paru chez Fides en 2019. Fort de l’engouement suscité par son livre, il publie ces jours-ci trois documentaires adaptés pour les enfants, déclinés en trois thématiques différentes : Dinosaures et animaux disparus, Météorites, roches et fossiles, Cataclysmes et changements climatiques. Des sujets qui assurément sauront titiller la curiosité des gamins. Gageons qu’à feuilleter ces magnifiques documentaires, vous aurez le goût, comme moi, d’en apprendre davantage et de lire la version adulte!  

Vous êtes professeur. Est-ce que vous avez fait des études en paléontologie ou bien c’est votre passion qui vous a mené à creuser toujours davantage le sujet? Quel est votre parcours, en fait?

J’enseigne au primaire et ça fera vingt-cinq ans en septembre! J’ai une classe d’élèves de 5e et de 6e année présentement. J’adore ça. Cela étant dit, j’ai un baccalauréat en linguistique de l’Université de Montréal et mes études en éducation ont été réalisées à McGill. Je n’ai jamais étudié formellement la paléontologie, mais je suis un mordu de ce sujet, alors j’épluche avec fascination articles scientifiques, documentaires et études depuis des décennies. À la longue, on vient qu’on acquiert une certaine expertise, mais je n’ai pas l’audace de me prétendre paléontologue. Je suis plus une espèce de vulgarisateur scientifique. Ce n’est pas moi qui effectue les découvertes, je tente simplement de les rendre accessibles et compréhensibles au grand public.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à la préhistoire, et particulièrement celle du Québec?

L’idée qu’à l’endroit même où se trouve présentement la personne qui lit ces lignes a déjà été le fond d’une ancienne mer. Et avant ça, un bout de territoire écrasé sous le poids d’un gigantesque glacier. Et très longtemps avant ça, le cœur d’une forêt tropicale luxuriante peuplée d’incroyables animaux disparus. On peut même remonter à une époque où poussaient ici des champignons géants hauts de 8 mètres! C’est fou! La réalité dépasse tout ce qu’on pourrait imaginer!

J’ai le sentiment que vous réalisez un rêve de gamin. Est-ce que j’ai raison?

Il s’agit assurément d’une fascination que j’ai depuis mon plus jeune âge. Quand j’étais en 3e ou 4e année, je me souviens avoir fait une présentation orale sur le stégosaure. Au début des années 80, les enfants connaissaient peu les dinosaures et mes camarades de classe ont été complètement fascinés. En y repensant, je me dis que la vie essayait de me dire quelque chose mais ça m’aura finalement pris trente ans avant de comprendre le message. Vaut mieux tard que jamais, pas vrai?

Blagues à part, ce fut un moment révélateur qui m’a appris que j’avais des talents de communicateur et qui a sans doute influé mon éventuel choix de carrière. Puis quand on enseigne depuis un quart de siècle, cela devient une seconde nature. L’idée de partager mes connaissances sur un sujet si peu connu et pourtant si passionnant m’a éventuellement semblé être une évidence, pour ne pas dire un devoir. Découvrir la préhistoire a eu un impact important sur ma vision du monde et sur ma compréhension de ma place dans ce dernier. C’est une expérience exceptionnelle qui ouvre les yeux et les horizons, ce que je souhaite à tout le monde.

Lorsque je lis vos documentaires, je me sens minuscule et bien peu de choses face à l’histoire du monde. Est-ce que votre regard sur le monde a changé, depuis que vous travaillez sur le sujet?

En étudiant la préhistoire, on se rend compte à quel point, comme individu, on est bien peu de choses dans la grande histoire de la vie et à quel point les problèmes qui nous semblent si énormes sont en fait bien insignifiants. Mais en même temps, on réalise qu’on fait partie de quelque chose d’extraordinaire, qu’on est minuscule mais unique, que notre existence est improbable et merveilleuse, que tout ce qui nous entoure et que nous tenons pour acquis a des origines très anciennes et est en réalité complètement fascinant.

J’ai rarement entendu parler de la préhistoire du Québec. Pourquoi?

C’est une excellente question que je me suis souvent posée. J’ai longtemps pensé que ce sujet n’intéressait que moi, toutefois le succès de mon livre La préhistoire du Québec démontre que je me trompais. Il y a une véritable soif chez les gens de découvrir le passé et de comprendre nos lointaines origines. Ailleurs dans le monde, on accorde une grande importance à la préhistoire locale. J’ai vécu en Nouvelle-Zélande et là-bas, tous les enfants connaissent les animaux préhistoriques qui évoluaient sur leur territoire comme le moa ou l’aigle de Haast. Plus près de chez nous, presque tous les états américains ont un « state fossil », c’est-à-dire un fossile emblématique de l’état que beaucoup de gens connaissent. Alors pourquoi pas chez nous? Je l’ignore, mais j’espère que mes livres contribueront à changer cette situation.

À quand un musée de la préhistoire?

Il en existe quelques-uns déjà. Le Musée du parc national de Miguasha en Gaspésie est absolument superbe et vaut le détour. On y découvre des fossiles de poissons préhistoriques uniques au monde et dans un état de préservation exceptionnel. Sur certains d’entre eux, on aperçoit des nageoires qui commencent à se transformer en pattes, ce qui signifie qu’ils appartiennent au groupe qui conquit éventuellement la terre ferme. Ces animaux sont les ancêtres de tous les vertébrés terrestres! Visiter ce lieu a été pour moi un véritable pèlerinage, je dirais même une expérience spirituelle inoubliable. Il y a aussi le Fossilarium à Notre-Dame-du-Nord, en Abitibi, que je n’ai pas encore eu le plaisir de visiter, mais j’en ai entendu beaucoup de bien. À Montréal, le Musée Redpath a plusieurs beaux fossiles, mais c’est un petit musée et il n’est pas exclusivement dédié à la préhistoire. Il y a toutefois un groupe de bienfaisance qui se nomme le Musée de la paléontologie et de l’évolution. Ils ont une collection de plus de 80 000 fossiles, imaginez si on créait un lieu pour rendre ces trésors accessibles au public! Ce serait merveilleux!

Comment avez-vous trouvé l’exercice d’adapter votre livre pour les enfants?

J’ai absolument adoré. Ce n’est pas une mince affaire, je ne vous le cacherai pas. Vulgariser pour des adultes est déjà un défi de taille, pour des enfants c’est encore plus vrai. Il faut arriver à faire comprendre des concepts parfois très complexes sans toutefois les dénaturer! Mais quel exercice gratifiant! Je consacre ma vie à l’éducation des enfants et l’idée de rejoindre des petits cerveaux curieux au-delà des quatre murs de ma classe est des plus motivantes. Ces livres s’adressent à des jeunes lecteurs et lectrices qui sont à un stade de leur vie où les questions existentielles émergent et je crois qu’ils y trouveront plusieurs réponses inspirantes.

Est-ce que le Québec a encore des secrets à nous offrir?

Ça ne fait aucun doute! Un territoire aussi gigantesque prendra encore des décennies à explorer en profondeurs. On n’imagine même pas les trésors qui sont encore enfouis sous la terre et qui attendent d’être découverts! Des fossiles! Des traces d’anciens cataclysmes! Les vestiges des premiers occupants du territoire! Je suis convaincu que certains de nos jeunes lecteurs les mettront au jour dans l’avenir!

Quel message souhaitez-vous communiquer avec vos livres?

Ce que je veux transmettre au fond, ce n’est pas exclusivement un bagage de connaissances, mais à travers celui-ci, une meilleure compréhension et, ultimement, un plus grand respect de ce que nous sommes et du monde qui nous entoure.

S’il y a une leçon fondamentale que l’on peut retirer de ce livre, c’est que malgré ses apparences statiques et immuables, le monde et la vie sont en constant changement. Les animaux que nous voyons sont les descendants de créatures qui nous sembleraient méconnaissables. Les montagnes les plus colossales ne seront plus qu’un tas de cailloux éventuellement. Selon les époques, le Québec a déjà été recouvert d’une végétation tropicale luxuriante ou de glaciers vertigineux d’un kilomètre d’épaisseur. Tout est changement.

Ce qui est nouveau dans cette très ancienne équation, c’est qu’il y a maintenant un nouveau joueur doté de conscience qui a un impact non négligeable sur l’environnement : l’être humain. Nous devons apprendre à retrouver un certain équilibre avec cette nature magnifique qui nous entoure. Je veux que, tout comme nous, nos descendants aient la chance inouïe d’échapper à leur univers moderne et artificiel pour aller se perdre dans le bois, communier avec la nature et se rappeler d’où ils viennent.



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