Extraits de cet article d'Éric Bédard:
Sans cette alliance historique, conclue à Tadoussac entre les Français et les Premières Nations, la fondation de Québec en 1608 n'aurait peut-être pas été possible. Elle a donné le feu vert à la colonisation du territoire de la région en échange d'un engagement militaire contre les ennemis jurés des Innus, les Iroquois. L'historien Éric Bédard raconte à Jacques Beauchamp que cette nouvelle lecture des débuts de la Nouvelle-France résulte d'une volonté de tenir compte de la perspective autochtone.
En 1603, la seule installation française permanente au Canada est le poste Chauvin, inauguré trois ans plus tôt. Seize artisans y sont installés, notamment pour sécher et transporter la morue, objet de la première traite locale, mais aussi pour développer le commerce florissant de la fourrure. De ces seize hommes, neuf meurent dès le premier hiver. La traite se poursuit néanmoins jusqu’à la mort de Pierre Chauvin, détenteur du monopole de traite émis par Henri IV, en 1603.
La relève arrive
Le 26 mai de la même année, une petite expédition dirigée par le navigateur François Gravé du Pont accoste à Tadoussac. L’équipage est notamment composé du cartographe Samuel de Champlain, mais aussi de deux Innus qui avaient passé l’année en France. Ces derniers servent d’interprètes et de guides au cas où l’expédition tournerait mal.
Sur l’autre rive du Saguenay, ils distinguent au loin les lumières d’une grande fête. Il s’agit de la coalition laurentienne, soit des représentants innus, anichinabés, malécites et autres Premières Nations de la vallée du Saint-Laurent, rassemblée pour fêter une victoire contre les Iroquois. Dans un récit, Samuel de Champlain signale la présence de scalps sanguinolents sur place.
Le 27 mai, l’expédition française rejoint la fête, et les interprètes innus racontent ce qu’ils ont vécu en France.
Il paraît qu’il y a un silence, que les gens écoutent, sont fascinés. Ces Innus sont arrivés sur des îles flottantes – c’est ainsi que les Amérindiens voyaient les bateaux au départ. À la suite de quoi le grand chef, Anadabijou, se serait levé et aurait dit à Champlain et à Gravé du Pont : "Vous êtes les bienvenus ici, vous pouvez peupler ces terres si vous le souhaitez, mais à une condition : vous allez combattre nos ennemis à nos côtés."
Entente de raison
Minoritaires, les Français n’ont d’autre choix que d’accepter, même s’ils n’ont, à ce moment, aucun désir de conquête ni de violence. Les Autochtones, eux, voient probablement que les Français ont des armes à feu.
Six ans plus tard, Champlain tient promesse en allant combattre les Iroquois sur les rives du lac qui portera plus tard son nom, dans ce qui deviendra l’État de New York. Les colons français restent les ennemis des Iroquois jusqu’au traité de la Grande Paix de Montréal, en 1701. (...)
Les limites d’un récit
Selon Éric Bédard, ce récit montre qu’à l’instar de la démarche d’Henri IV, dont Samuel de Champlain était l’émule, les premiers colons n’avaient guère de désir d’asservissement des Premières Nations. (...)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire