Le cerveau humain est né d'une éponge



Extraits de cet article:

Pour étudier les origines de nos cerveaux, des chercheurs se sont penchés sur notre plus lointain ancêtre animal. Les premiers résultats montrent que les ébauches de nos encéphales remontent très loin, au Cambrien...

Si l'humain descend du singe, il se confirme que notre cerveau vient en droite ligne d'une éponge, cet animal antédiluvien aquatique. Disséquée jusqu'au niveau cellulaire, Spongilla lacustris, débonnaire éponge d'eau douce, a en effet révélé à l'équipe de Jacob Musser du laboratoire européen de biologie moléculaire (Heidelberg, Allemagne) une diversité fascinante : neurones en devenir, ébauche de communication cérébrale, brouillon de beaucoup d'éléments synaptiques qui iront constituer le cerveau des animaux plusieurs centaines de millions d'années plus tard.

Et, pourtant, nous parlons ici d'un des plus vieux représentants du dit règne -environ 600 millions d'années au compteur-. Un animal qui n'a ni muscles, ni estomac et ne parlons pas d'un cerveau. Juste un tas informe, empilement de trois tissus cellulaires distincts. Voilà ce qu'on savait jusqu'à présent. Autant dire, pas grand chose.

Les chercheurs - et ils sont nombreux, plus d'une trentaine (!) à signer cette publication dans le Science du 5 novembre 2021 - sont allés bien plus loin. Armés de séquenceurs génétiques, ils ont mené une étude exhaustive de l'identité de toutes les cellules constituant S.lacustris. Et le travail a payé puisqu'ils ont identifié pas moins de 18 types cellulaires différents, dont certains totalement inconnus auparavant !

Mais à quoi lui sert donc une telle profusion cellulaire et comment fait une créature qui ne dispose d'aucun système, pas plus sanguin que nerveux, pour transmettre des informations à plusieurs parties de son corps ? Réponse : en exploitant les flux marins qui la traversent comme s'il s'agissait de circulation sanguine ou de courant électrique. Car, comme toutes les créatures vivantes, une des préoccupations premières de l'éponge est de manger. C'en est même tellement important que toutes les nouvelles cellules découvertes résident à proximité des choanocytes, les "chambres digestives" de l'animal. Ces dernières cellules absorbent les éléments nutritifs et, grâce à leur flagelle, assurent la circulation de l'eau. C'est cette dernière qui apporte à l'animal nourriture, oxygène... et lui permet de "tirer la chasse" en évacuant les déchets qu'il aura produit.

Ce qui est loin d'être un détail, se sont aperçus les chercheurs. La coordination cellulaire primitive mise en place chez l'animal lui permet de se contracter tout du long de façon progressive et d'expulser ainsi les débris hors de son organisme. Or, ce travail de vidange nécessite qu'une véritable transmission des informations soit mise en place tout autour et à proximité des "chambres digestives" pour coordonner les contractions. De fait, les données recueillies par l'équipe montrent l'existence d'une communication cellulaire tout autour des choanocytes. Peut-être sous la forme de vésicules, spéculent-ils. Comme une ébauche de ce qui équipera les pré et post-synapses du système nerveux central des animaux à venir dans quelques centaines de millions d'années...

Si les chercheurs furent stupéfaits du grand nombre de types cellulaires différents, près d'une vingtaine donc, ils n'ont pas été totalement éberlués de cette possible filiation entre les structures cellulaires de l'éponge et celles qui équipent nos cerveaux. En 2007, une étude génétique dirigée par une équipe de l'université de Californie de Santa Barbara (Etats-Unis) et publiée dans Plos One, traçait déjà plusieurs liens entre les deux. Le travail des Américains nous apprenait alors que non seulement ces animaux primitifs disposent des gènes impliqués dans le fonctionnement futur des synapses. Mais également que les protéines des éponges possèdent des propriétés d'interaction rappelant fortement celles équipant les synapses humaines et qui leur permet de communiquer entre elles. Preuves supplémentaires que la "nature" ne jette jamais rien et recycle en permanence ses meilleures (au sens évolutif du terme) trouvailles...






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