La structure dentaire en question est appelée parasymphysial tooth whorls, ce qui peut être traduit par spirales dentaires parasymphysaires ou, plus simplement, spirales dentaires. En anglais, on lit aussi souvent tusk whorls, qui pourrait être traduit par défenses spiralées, pour faire référence au fait que la taille impressionnante de ces dents rappelle des défenses.
Ces structures se trouvent à l'avant de la mâchoire inférieure (mandibule) et, comme leur nom l'indique, elles sont situées de part et d'autre de la symphyse, soit la suture entre les moitiés gauche et droite de la mâchoire inférieure (on pourrait imager en disant qu'elles se trouvent au-dessus du "menton" du poisson).
Ce type de structure est connue chez des groupes de poissons à la base des sarcoptérygiens (ou poissons à nageoires charnues), tel que les onychodontes et les porolépiformes. Quebecius quebecensis est justement un porolépiformes et ce n'est donc pas anormal de finalement retrouver des spirales dentaires chez lui. Mais ce fossile préparé avec soin par Jason demeure le seul spécimen de Q. quebecensis chez lequel on a pu récupérer les spirales dentaires (avant ça, on pouvait seulement supposer leur présence). Chaque fossile qui permet la récupération d'une structure anatomique inédite est toujours un cadeau du passé très précieux et ça été toute une surprise quand Jason a commencer à forer dans a gueule et que c'est apparu!!
Vue la présence des spirales chez des espèces à la base des poissons à nageoires charnues, et qu'on retrouve même des structures équivalentes chez certains requins fossiles, on peut supposer qu'il s'agissait de la condition primitive qui existait aux origines du groupe des sarcoptérygiens, et qui s'est perdue par la suite, dans des lignées qui mèneront notamment à Eusthenopteron, Elpistostege et aux tétrapodes. Sans cette disparition...on aurait peut-être nous-mêmes ce genre de spirales dentaires aujourd'hui!
Quebecius était un prédateur mais ses proies n'ont pas encore pu être identifiées (aucun poisson ingéré documenté à l'heure actuelle). Par contre, son anatomie, avec des nageoires concentrées à l'arrière du corps, laisse suggérer qu'il pourrait s'agir d'un chasseur à l'affût capable d'accélérations soudaines. Bien que les études pour confirmer ça reste à mener, il y a des comparaisons intéressantes qui peuvent être faites avec Onychodus, un poisson fossile d'Australie à peu près contemporain de Quebecius. Onychodusa la même morphologie générale de chasseur à l'affût. Il possède aussi des spirales dentaires parasymphysaires et les auteurs qui se sont penchés sur ces structures ont découvert que ces spirales pouvaient probablement être projetées légèrement vers l'avant durant l'ouverture de la gueule ou vers l'arrière (l'intérieur de la gueule) lors de la fermeture. À l'ouverture de la gueule, ces dents longues et acérées auraient donc pu faire office de poignards pour harponner la proie avant de la rabattre vers la gueule! À la fermeture de la gueule, les dents prenaient une position où ils s'enlignaient vis-à-vis des fosses dans le palais qui permettaient de loger ces dents surdimensionnées.
Une étudiante à Richard Cloutier (UQAR) travaillera sur Quebecius pour sa maîtrise. Peut-être en saurons-nous plus dans quelques années...
Personnellement, j'aime m'amuser à penser que le plus national des fossiles de Miguasha nous enseigne peut-être que les québécois ont plus de mordant que ce qu'ils laissent paraître à première vue...
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