Même si les fossiles de gastornithidés ne sont pas très fréquents, leur vaste distribution géographique (Europe, Amérique du Nord, Asie) et stratigraphique (du Paléocène supérieur à l'Éocène moyen, soit une durée de quelque 17 millions d'années) montre que ce groupe d'oiseaux géants a connu un certain succès évolutif au début du Tertiaire.
Depuis longtemps, le développement à cette époque de ces grands oiseaux terrestres, incapables de voler, a excité l'imagination des paléontologues. En 1954, le paléontologue américain Alfred Sherwood Romer exprimait une conception très répandue en écrivant : « Ces gigantesques oiseaux très anciens suscitent des spéculations (...) À quoi ressemblerait la Terre aujourd'hui si les oiseaux avaient gagné et si les mammifères avaient disparu ? »
Cette idée d'une concurrence entre oiseaux géants et mammifères après la disparition des dinosaures a fait couler beaucoup d'encre. Il faut reconnaître qu'au Paléocène les mammifères étaient encore dans l'ensemble de petits animaux, ne dépassant guère la taille d'un chien, alors que Gastornis atteignait deux mètres de hauteur et devait peser plusieurs centaines de kilogrammes, d'où l'impression que ces oiseaux ont alors, pour quelque temps, « dominé le monde ». (...)
Mode de vie des gastornithidés
Hormis les restes squelettiques, les paléontologues disposent de peu de données permettant de reconstituer la biologie de Gastornis et de ses semblables. Une empreinte de pas trouvée aux États-Unis pourrait avoir été laissée par un de ces oiseaux. En outre, dans le Sud de la France (Provence et Languedoc) on connaît depuis les années 1950, dans des couches éocènes, de nombreux fragments de coquilles d'œufs qui ont manifestement été pondus par des oiseaux de très grande taille. Les paléontologues se sont beaucoup interrogés au sujet de l'identité des auteurs de ces œufs, et divers groupes d'oiseaux ont été envisagés, y compris les gastornithidés.
(...) pendant longtemps on n'a pas eu connaissance de restes de Gastornis dans le Sud de la France. En 1998, la description d'un tibiotarse de Gastornis trouvé dans l'Éocène de l'Aude a comblé cette lacune et rendu plus vraisemblable l'attribution des œufs en question à des gastornithidés, mais en l'absence d'embryons associés aux coquilles, cela reste une supposition.
Régime alimentaire des gastornithidés
Les hypothèses relatives au mode de vie de Gastornis sont donc fondées pour l'essentiel sur l'analyse des différents éléments du squelette de cet oiseau, surtout depuis la découverte du squelette à peu près complet décrit en 1917. Selon l'interprétation longtemps la plus répandue, Gastornis était un redoutable prédateur, qui avait pour victimes en particulier les petits mammifères du début du Tertiaire. Son bec puissant est considéré comme adapté à un tel mode de vie, et il est souvent comparé à celui des phorusrhacidés, de grands oiseaux terrestres qui ont vécu au Tertiaire en Amérique du Sud et dont le régime carnivore semble ne pas faire de doute.
De nombreuses reconstitutions montrent ainsi Gastornis comme la terreur des mammifères contemporains. (...)
Toutefois, une interprétation radicalement différente a été proposée, notamment par l'ornithologue américain Allison Andors en 1992. Selon cette hypothèse, les gastornithidés auraient au contraire eu un régime végétarien. Leur bec ne ressemble que superficiellement à celui des phorusrhacidés, il n'est pas aussi crochu, et rappellerait davantage celui d'oiseaux terrestres se nourrissant de plantes, notamment de feuilles, comme le takahe de Nouvelle-Zélande, ou encore celui des dromornithidés, oiseaux géants du Tertiaire d'Australie qui sont généralement considérés comme herbivores.
Gastornis garde encore des mystères
Qui plus est, les membres et le bassin massifs de Gastornis ne seraient pas adaptés à une course rapide, pourtant nécessaire à un prédateur (suivant une hypothèse en quelque sorte intermédiaire, soutenue par le paléontologue allemand Karl-Heinz Fischer, ces oiseaux auraient été des charognards). (...) Sa position dans la classification des oiseaux semble certes assez bien élucidée : à la suite des travaux d'Andors, il semble devoir être placé dans les anserimorphes, c'est-à-dire dans le grand groupe qui contient aussi les canards (...)
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