Comptant au moins 1400 espèces de fossiles datant de plus de 400 millions d’années, l’île d’Anticosti pourrait devenir, dans moins d’un an, l’un des sites naturels du patrimoine mondial de l’humanité, comme les îles Galapagos en Équateur, le parc Yellowstone aux États-Unis ou la Grande Barrière de corail d’Australie.
« En traversant l’île, on voit défiler 10 millions d’années », déclare André Desrochers, professeur de sciences de la terre à l’Université d’Ottawa, qui fréquente Anticosti depuis plus de 45 ans.
Encore sous le charme de cette île 17 fois plus grande que celle de Montréal – l’équivalent de la distance Montréal-Québec –, il a contribué à faire connaître les milieux marins enfouis dans les couches sédimentaires.
Ici, on n’a qu’à se pencher pour apercevoir des carapaces de brachiopodes et de trilobites figées dans la roche calcaire depuis la petite enfance de la vie sur Terre.
« On sait qu’un phénomène catastrophique a fait disparaître 85 % des espèces vivantes à la fin de l’Ordovicien, il y a environ 440 millions d’années. Nous sommes les lointains descendants de cette première extinction massive, et les archives se trouvent dans les falaises spectaculaires qui se dressent devant nos yeux », s’émerveille M. Desrochers, responsable du volet scientifique de la mission qui consiste à défendre la candidature d’Anticosti dans le processus d’accréditation à l’UNESCO, entamé il y a cinq ans.
On y est presque !
Même si tous les acteurs de ce long processus ne veulent pas vendre la peau de l’ours trop vite, il semble qu’à cette étape, les plus grands obstacles à l’approbation de l’UNESCO, en juin 2023, soient franchis.
Cette nomination n’apportera pas de financement international à Ottawa et Québec.
« Mais on y gagnera une visibilité mondiale et l’assurance d’une protection permanente le long des 550 km de berges et une grande partie du lit des rivières Vauréal et Jupiter », affirme Katie Gagnon, coordonnatrice pour la candidature d’Anticosti à l’UNESCO depuis 2019.
« Et fini les projets de développement de pétrole, de gaz ou de mines », poursuit-elle.
Compte tenu de la complexité de la démarche, c’est à son avis le dernier projet de cette ampleur pour une génération de Québécois. La prochaine mise à jour des sites canadiens n’aura pas lieu avant 2032. Seulement huit projets (dont Anticosti) avaient été retenus en 2017 sur une cinquantaine de propositions.
La science, grande gagnante
Les randonneurs, les pêcheurs et les chasseurs pourront continuer d’y circuler.
La recherche scientifique sera la grande gagnante de cette île mystérieuse, qui a été le cauchemar des navigateurs avec plus de 450 naufrages.
PLUSIEURS MILLÉNAIRES D’OCCUPATION HUMAINE
-3500
Des Autochtones fréquentent Notiskuan, ou « lieu où on chasse l’ours », à l’origine du nom Anticosti.
1600
L’île est offerte par le roi de France à Louis Joliet, qui devient sieur de Mingan et d’Anticosti.
1690
L’amiral Phipps, de la flotte anglaise, s’échoue au large de l’île, alors qu’il revient vaincu d’une bataille à Québec.
1874
L’Anticosti Island Company tente de peupler l’île. C’est un fiasco et la compagnie est vendue 10 ans plus tard.
1895
Le millionnaire français Henri Menier achète l’île pour 125 000 $.
1913
Après la mort d’Henri Menier, son frère Gaston prend la relève, mais de façon moins ambitieuse. Il vend l’île en 1926 à la Wayagamack Pulp and Paper pour 6,5 M$.
1937
Le bras droit d’Hitler, Herman Goering, offre d’acheter l’île au nom de l’Allemagne pour 14 M$. La guerre est déclarée avant que l’affaire soit conclue.
1967
La Wayagamack Pulp and Paper, qui avait acquis la Consolidated Paper Corporation, propriétaire de l’île, devient la Consolidated Bathurst.
1974
Le gouvernement du Québec devient propriétaire de l’île pour 23,8 M$, mettant fin à un siècle de gestion privée.
1984
Création de la SÉPAQ, qui devient le principal gestionnaire des activités.
1996
Le dernier ours est aperçu à Anticosti.
2017
Inscription sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’UNESCO
2022
Le Centre du patrimoine mondial accepte la proposition du Canada. Il dispose de 18 mois pour faire connaître ses recommandations.
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