Origine de la vie : la composition des sources hydrothermales primordiales se précise



Au fond des océans, dans un milieu plongé dans une nuit permanente et a priori peu propice à la vie, les sources hydrothermales hébergent de riches écosystèmes (bactéries et archées extrêmophiles, vers, crustacés, poissons, etc.). Elles constituent l’une des pistes principales comme lieu d’apparition de la vie, il y a plus de 3,5 milliards d’années. Chaude et chargée en divers métaux et molécules lors de son passage dans la roche du plancher océanique, l’eau des sources aurait alimenté les réactions chimiques prébiotiques, celles qui ont conduit à la formation des premières molécules organiques et des premières réactions métaboliques.

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Pour comprendre l’émergence de la vie, il est donc nécessaire d’en savoir plus sur les caractéristiques physicochimiques de l’eau des sources primitives. Mais à cause de l’altération des roches, il ne reste pas d’indices directs du contenu de ces sources. Dustin Trail, de l’université de Rochester, aux États-Unis, et Thomas McCollom, de l’université du Colorado, ont réussi à préciser la composition de cette soupe primordiale en utilisant des cristaux très anciens qui résistent très bien à l’épreuve du temps, les zircons.

Les huit cristaux étudiés par les chercheurs proviennent d’un gisement extrêmement intéressant, celui des Jack Hills, en Australie, dont les zircons constituent les plus anciens minéraux terrestres jamais retrouvés, puisque certains ont des âges allant jusqu’à 4,4 milliards d’années. Les deux scientifiques ont étudié des zircons qui se sont formés il y a 3,9 milliards d’années à des températures relativement basses, ce qui signifie qu’ils ne sont pas issus de la cristallisation d’un magma mais d’une recristallisation dans des fluides aqueux chauds circulant en profondeur. En analysant la composition de ces zircons, il est donc possible de préciser celle des fluides dans lesquels ils sont apparus. Les chercheurs ont également synthétisé des zircons en laboratoire dans différentes conditions afin de comparer les compositions des zircons naturels et artificiels.

Par exemple, Dustin Trail et Thomas McCollom ont analysé la composition en cérium (Ce) qui existe principalement sous deux formes, Ce3 + et Ce4 +. Les abondances relatives sont liées au degré d’oxydation du fluide : plus le fluide est oxydé, plus il y a de Ce4 + par rapport au Ce3 +. Or le Ce4 + rentre plus facilement dans les cristaux de zircon que le Ce3 +. Ainsi, si le zircon est enrichi en cérium, cela signifie qu’il y avait relativement plus de Ce4 + et donc que le fluide était plutôt oxydé.

C’est précisément ce qu’ont observé Dustin Trail et Thomas McCollom : les fluides qui ont interagi avec ces zircons étaient plus oxydés que le manteau terrestre dans lequel ils circulaient. De plus, ces fluides auraient été trois fois moins riches en chlore que les océans actuels : il s’agissait donc sûrement d’eau douce provenant de précipitations en surface, qui après un passage dans la roche serait remontée, formant une source hydrothermale. Cette hypothèse est corroborée par l’analyse des isotopes de l’oxygène des zircons, qui présentent la même signature que des sources hydrothermales d’eau douce actuelles (comme celle du parc du Yellowstone, aux États-Unis).

Grâce à des modèles numériques utilisant leurs données expérimentales, les chercheurs ont pu établir que ces fluides étaient compatibles avec l’émergence de vie. Ils contenaient entre autres de grandes quantités de méthane (qui pourrait être impliqué dans la synthèse d’acides nucléiques et aminés), et des quantités non négligeables de zinc (qui favorise la polymérisation de petites molécules organiques en permettant leur adhérence sur des surfaces minérales). Ils étaient également caractérisés par un mélange de fer sous forme Fe3 + et Fe2 +, ce qui serait propice à la production d’acides aminés.

Ces fluides ne représentaient sans doute qu’une petite partie de la grande diversité d’environnements hydrothermaux sur la Terre primitive, mais ils sont les plus anciens qu’on ait jamais réussi à décrire jusqu’ici. Cette nouvelle méthode pourrait être appliquée aux zircons martiens pour déterminer si la Planète rouge a un jour connu les conditions nécessaires à l’apparition de la vie telle que nous la connaissons.


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