Le mystère des nouveaux fossiles



Extraits de cet article de Québec Science:

(...) Revenons sur les grandes lignes. D’abord, le règne des australopithèques, ces êtres dotés d’un petit crâne et d’une mâchoire proéminente, bipèdes à l’occasion, débute il y a 4 millions d’années. La famille de Lucy, trouvée en Éthiopie en 1974 et représentante la plus célèbre du groupe (...)

Ensuite, il y a environ 2,5 ou 3 millions d’années, le climat change. L’Afrique s’assèche et les boisés font place à un environnement plus ouvert. « La grande famille des australopithèques va progressivement disparaître pour être remplacée par les premiers humains (genre Homo) et par les paranthropes qui disparaîtront à leur tour un peu avant un million d’années », résume José Braga.

Dans chacun de ces genres – Homo, Paranthropus et Australopithecus –, on dénombre plusieurs espèces, au même titre qu’il y a plusieurs espèces d’antilopes ou de bovins. Chacune a exploité sa propre niche écologique, avec ses préférences de régime alimentaire et d’habitat.

Là où les choses se compliquent, c’est que, pendant une certaine période (fort longue, entre 2,5 et 1 million d’années avant notre ère !), tout ce petit monde se côtoie. « À l’époque supposée d’Homo naledi, il y a environ 2 millions d’années, il y avait plein de monde en même temps : probablement plusieurs espèces d’australopithèques et de paranthropes, ainsi que des Homo habilis et des erectus », détaille à son tour Antoine Balzeau, chercheur au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris.

Pas facile, dans ces conditions, de savoir qui a précédé qui dans l’arbre généalogique. Il semblait ainsi évident que les Homo habilis avaient précédé les Homo erectus, les seconds descendant des premiers. Or, deux fossiles, découverts en 2007 au Kenya, ont brouillé les pistes : ils auraient plutôt vécu à la même époque, se côtoyant pendant 500 000 ans. Un vrai casse-tête !

D’autant qu’il n’est pas toujours possible de dater les fossiles avec précision. Aussi, l’ajout de chaque nouveau rameau s’accompagne-t-il de son lot de controverses.

(...) D’autres fossiles (...) continuent toutefois de donner des maux de tête aux chercheurs. C’est le cas d’un crâne déformé découvert en 1999 sur les rives du lac Turkana, au Kenya, et âgé d’environ 3,2 à 3,5 millions d’années. N’entrant dans aucune « case », et n’appartenant visiblement ni au genre des australopithèques ni au genre Homo, on lui a créé un nouveau genre rien que pour lui, Kenyanthropus platyops. Un tour de passe-passe que plusieurs scientifiques critiquent, étant donné qu’on ne possède qu’un seul spécimen.

Citons également les ossements présentés en 2010 par Lee Berger (...) Âgés d’environ 2 millions d’années, les squelettes sont ceux de créatures présentant une bipédie différente de la nôtre, plus « chaloupée » et coûteuse en énergie. Cet Australopithecus sediba avait un pied archaïque, un petit cerveau et se suspendait souvent aux branches, mais ses doigts fins et droits étaient presque ceux d’une main humaine. Pour Lee Berger, cette mosaïque de caractères, à la fois ancestraux et modernes, ferait le pont entre les australopithèques et les premiers hommes. Notre ancêtre direct, donc ?

« Il faut être prudent. On peut dire tout et son contraire sur la définition du genre Homo », avertit José Braga, dans le livre Origines de l’humanité : les nouveaux scénarios, paru en 2016.

(...) « La multiplication des noms d’espèces est une plaie en paléoanthropologie. Je suis parfois très gêné quand je vois le titre de certains articles. Les découvertes sont extraordinaires, mais les interprétations sont souvent trop rapides », déplore-t-il en entrevue. Selon lui, Homo naledi n’est d’ailleurs probablement qu’une variante d’Homo erectus, ce qui n’enlève rien à son charme (mais qui aurait peut-être rendu sa découverte moins spectaculaire).

(...) Pourquoi alors ne pas simplifier les choses ? Toutes les espèces d’Homo connues (Homo habilis, ergaster, georgicus, rudolfensis, etc.) ne formeraient en fait qu’un seul et même groupe : Homo erectus.

(...) Alors, qui a raison ? Doit-on simplifier l’arbre ou, au contraire, le faire buissonner davantage ? Une chose est sûre : l’évolution n’a pas été linéaire.



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